On louera ta vigilance.
En tout cas, ta paire de pompes est très sympa.
J’ai visionné l’objet du délit. À mon tour d’en mettre une couche.
Je n’avais encore jamais regardé un seul numéro de cette émission, mais je me doutais bien qu’il ne fallait pas espérer autre chose d’un programme diffusé en première partie de soirée sur une des plus grandes chaînes de notre bel Hexagone qu’un traitement consensuel et formaté, approximatif et (très) superficiel, avec en prime une mise en scène superflue.
Première déception, ce n’est pas ce à quoi je m’attendais.

Avec un titre comme « Ce ventre qui nous dirige », je me figurais que soient en priorité abordés les interactions entre digestion et psychisme, et au-delà, toutes les maladies et tous les troubles à fort impact psychologique et social. Or cet aspect n’est que survolé, et ce seulement à partir de la quatre-vingtième minute (l’attente est longue), et pendant vingt minutes seulement (pour ceux que ce passage intéresserait : 1h20-1h41). Soit un sixième du programme…
Au lieu de quoi, les thèmes sont pour l’essentiel d’ordre alimentaire, voire gastronomique, en d’autres termes choisis pour leur bonne garantie d’audience, non pour leur pertinence. Il est vrai que la bouffe est un passage obligé, mais à lui accorder une telle place, on se vautre dans la facilité.
Tout n’est pas à jeter, mais pour nous qui sommes déjà informés et documentés, l’ensemble n’apparaît pas assez pointu.
Le programme ne commence vraiment qu’au bout d’un quart d’heure. Tout ce qui précède n’est que prétexte à sketchs et à blagounettes, qu’on est libre d’apprécier ou non. Je n’ai surtout pas compris la finalité de la caméra embarquée dans les intestins du mannequin slovaque. Non seulement on n’apprend rien, mais ce n’est d’aucune utilité, d’aucun intérêt pour la suite de l’émission. Un outil médical précieux réduit à un pur gadget de divertissement.
S’ensuit une longue guerre (juste et justifiée) contre les différents sucres consommés en excès dans nos sociétés occidentales, intoxiquées de produits transformés. Ce n’est pas inintéressant, quoique cela fasse un peu mode d’emploi pour débutants. Et comme mon camarade, je me suis dit : quid du sel en excès, autre tueur en série ?
Le petit jeu mené avec cinq ados a en effet de quoi frémir : sur la table, un inventaire à la Prévert de tout ce qu’il y a de moins recommandable. De la malbouffe d’un bout à l’autre de la journée. Le repas stéréotypé du Ricain obèse. La vision fantasmagorique de la pizza peinturlurée m’a coupé l’appétit et je me suis demandé où étaient passés les légumes, les fruits et les féculents qui, comme tous les petits enfants urbains le savent, poussent dans les rayons des magasins. Je raille avec mauvaise foi à dessein.

Il s’agit évidemment de tirer à boulets rouges sur un tel menu, et on enchaîne avec le nécessaire contrepoint. Néanmoins, la lecture attentive des étiquettes des produits qui se veulent équilibrés pour y dénicher au contraire tout ce qui n’est que poison lent m’a paru d’une bien plus grande vertu éducative. On touche là à un vrai problème de civilisation : comment lutter contre un modèle économique et un mode de vie, des pratiques sociales, dont beaucoup sont prisonniers ? Sous leurs questions faussement naïves, les deux gentils présentateurs n’ont évidemment pas la réponse. Pas sûr qu’une pasionaria poil-à-gratter comme Élise Lucet ne l’ait non plus…
On balance ensuite le fait que l’espérance de vie est plus élevée dans le Sud-Ouest du pays… En occultant la multiplicité et la complexité des facteurs, pour la plupart étrangers au ventre, et en suggérant que l’explication tient aux « bons produits du terroir », au jambon de Bayonne et au cassoulet. La réhabilitation du gras, sur fond de collines basques bucoliques, je veux bien, mais ce chapitre m’a paru d’autant moins convaincant qu’il ne semble concerner que les sportifs de haut niveau, soit peut-être 0,5% des Français (estimation haute). Il m’a surtout laissé une impression dubitative, la même que celle lancée à l’emporte-pièce par l’inénarrable Michel Cymes en tout début de programme : « on ne sait plus quoi manger, on ne sait plus ce qui est bon pour notre corps… » Tant les aliments cloués au pilori changent d’une décennie à l’autre, et tant les réhabilitations parallèles contredisent les prescriptions de la doxa précédente.
Le portrait de la fameuse Catra Corbett (dont je n’avais jamais entendu parler, c’est grave ?

) m’a paru d’un dérisoire absolu, tant elle n’est représentative que d’elle-même ou d’une infime minorité. Quel intérêt pour la masse ? C’était un peu la traditionnelle minute « monstre de foire », sans vouloir être désobligeant envers elle, mais plutôt envers ceux qui à travers leur reportage l’ont caricaturée. Ma foi, dans sa lointaine Californie, elle peut bien faire ce qui lui chante.
Le témoignage de la jeune Belge qui a subi une transplantation fécale m’a un peu sorti de ma torpeur, notamment lorsqu’elle évoque à demi-mot ce que nous comprenons comme de la laxophobie… Mais rien n’est fouillé, on nous assène pour mieux l’expédier que la science n’en est qu’à ses débuts en ce domaine, et puis, pouf, nous voilà de nouveau anesthésiés, abêtis, avec une expérience de simple bon sens pratiquée sur des fans du PSG (ceci expliquant cela…

). Pourquoi pas les consommateurs de moutarde du FC Dijon ?
La dernière séquence, le repas en silence, sans conversation, à se regarder en chiens de faïence, sous un vernis un peu bobo, m’a inspiré des réflexions que j’alimente depuis un bon moment déjà, et qui sont matières à un débat que j’initierai peut-être un jour sur ce forum, mais sur un autre fil. À moins que la trilogie Malbouffe / Stress / Pollution ne m’emporte avant l’heure. Suspense…
Enfin, le massage du ventre aurait pu être instructif, du type « approche alternative », s’il n’était pas si bref et ne donnait pas lieu à un ultime sketch sans saveur.
On peut bien sûr avoir un avis tout différent, et il est le bienvenu, n’hésitez pas à le poster.
Ceci dit, désolé de vous avoir fait perdre du temps, si tel est votre sentiment.
Et mes excuses à mon camarade pour lui avoir causé de la colère, alors qu’il ronflait paisible dans son champignon comme un fonctionnaire en vacances.

Il faut dire que je suis taquin.
J’aurais au moins eu le mérite d’initier un peu d’animation.
La prochaine fois, promis, je posterai une vidéo de méditation.
